Du lundi 20 au vendredi 24 mars 2023

Les splendeurs de Venise sublimées par la musique

Souvenez-vous, jusqu’à la fin du XVème siècle, à Venise comme ailleurs, la musique n’avait de légitimité qu’au service du texte sacré. La musique instrumentale était dépréciée et les grands concerts n’avaient lieu que dans un contexte religieux.

La liberté de penser et la séparation entre l’Eglise et l’Etat étaient des valeurs fondatrices de la République de Venise. Si généralement le peuple était catholique, il y régnait une grande ouverture pour les autres religions et la laïcité, ce qui plaisait fort peu à Rome. Au début du XVIème siècle la tension donne lieu à la Guerre des interdits. Venise refuse ouvertement de se plier à la justice de l’église et le pape excommunie Venise, ce dont le Doge se moque royalement. Rome se voit obligée de retirer l’excommunication au bout de quelques mois.

Entretemps, la Guerre des Interdits dépasse les préoccupations religieuses et politiques. Elle attire de nombreux intellectuels et artistes qui s’émancipent de l’art sacré pour développer un art profane. Le répertoire de musique instrumentale prend son envol. Les univers de la peinture, de la musique et du théâtre se confondent. Avec fougue, créativité et ingéniosité, Venise devient le berceau du renouveau musical de l’Europe.

L’opéra fut porté par le maître de chapelle de San Marco, Claudio Monteverdi, à un état de perfection qui suscita l’émulation des autres musiciens et l’enthousiasme du public pour ces nouvelles oeuvres musicales et théâtrales, bâties sur un livret, où musique et chant se partagent la scène. « Opéras de cour », les oeuvres étaient réservées aux nobles. Mais un décret du Conseil des Dix changea la donne en 1637 en permettant l’élargissement à un public payant au théâtre San Cassiano. Venise était riche en salles de théâtre et très vite bon nombre d’entre elles se métamorphosèrent en spectaculaires salles d’opéra, grâce entre autres à l’ingéniosité des ouvriers de l’Arsenal, à l’apport des grands peintres et à la naissance de nouveaux métiers tel que celui d’impresario et de librettiste. Claudio Monteverdi devint une référence européenne de l’opéra. Son premier grand succès fut L’incoronazione di Poppea, oeuvre révolutionnaire pour l’époque par son sujet historique profane et son ton cynique, libre et inventif. Son tombeau à la basilique dei Frari est encore fleuri en permanence aujourd’hui.

Les Ospedali A mi-chemin entre couvent et conservatoire, les ospedali étaient un superbe compromis entre sacré et profane. Ouverts pour accueillir les indigents, ils tirent leurs moyens d’offrandes et pour les augmenter ils lancent les concerts publics. Les ospedali logent leurs pensionnaires, leur apprennent un métier lié à la musique et - grande première - permettent aux jeunes filles de chanter dans les églises. Elles jouent de nombreux instruments et on dit qu’elles chantent comme des anges. L’Ospedale le plus connu aujourd’hui est celui de La Pietà.
Antonio Vivaldi, il prete rosso, y occupa divers postes. Une grande partie de sa musique vocale et instrumentale a été écrite à l’intention de ses pensionnaires. Vous le connaissez pour ses concertos des Quatre Saisons, mais savez-vous qu’il fut l’un des compositeurs lyriques les plus prolifiques avec une 50aine d’opéras et plus de 500 concertos à son actif ?

La musique dans la vie des vénitiens. Il n’y avait pas que les musiciens pour faire de la musique à Venise. Toutes les familles possédaient des instruments. Ils en jouaient dans leurs salons et en rue, on chantait beaucoup et à plusieurs. La musique accompagnait toutes les facettes de la vie publique et privée.

De nouvelles disciplines et industries. Toutes ces innovations et cette effervescence musicale firent naître un nouveau vocabulaire musical (sonate, cantate, serenate, barcarolle...). Venise, déjà capitale européenne de l’imprimerie le devint également de l’édition musicale. La lutherie vénitienne connut une réputation et un essor inégalés. Les grands peintres se firent décorateurs et la musique devint sujet de leurs oeuvres.

Le Club de l’Histoire veut nous a fait Venise sur le thème de la musique. Les liens entre Venise et la musique nous apparaissent comme une évidence, pas seulement parce que la musique sublime la beauté de la Sérénissime, mais aussi parce que Venise a révolutionné l’histoire de la musique et inversément. ‘La musica’ a joué un rôle important dans l’évolution de l’histoire politico-religieuse de la plus belle ville au monde. Nos visites et promenades nous ont menés dans des endroits peu visités et ont fait écho à cette histoire et à ses illustres protagonistes.